Un dialogue entre fleurs et désirs
L’artiste et cinéaste Pierre Creton, figure atypique du paysage cinématographique français, nous transporte dans un univers où la sensualité, la nature et l’intime se mêlent avec poésie. Avec *Roseraie*, un ouvrage imposant par sa taille comme par son contenu, il livre un herbier hors normes, où la reine des fleurs, la rose, dialogue avec des images empreintes d’homoérotisme. Inspiré par l’œuvre du peintre botaniste Pierre-Joseph Redouté, Creton revisite l’herbier classique pour en faire un manifeste artistique et sensuel qui brouille les frontières entre végétal et désir humain.
Une enfance marquée par les fleurs et les secrets
L’idée de cet herbier trouve ses racines dans l’adolescence de Pierre Creton, période où les fleurs se sont liées dans son imaginaire à ses premiers émois. Dans un geste à la fois innocent et audacieux, il superposait des images de roses tirées des livres de la bibliothèque familiale à des photographies intimes, issues de magazines ou de ses propres expérimentations. Ces compositions, qu’il cachait soigneusement, représentaient pour lui une manière de réconcilier ses désirs naissants avec la beauté brute de la nature. Mais la découverte de ces images par sa mère a marqué un tournant, l’obligeant à censurer une partie de ses créations. Ce souvenir, à la fois tendre et douloureux, imprègne profondément *Roseraie*.
La campagne comme écrin de liberté
Pierre Creton a choisi de vivre et de créer en Normandie, dans la terre de son enfance, loin des tumultes urbains. Ce choix n’est pas anodin : il est intimement lié à son homosexualité et à son rapport à la nature. « Vivre à la campagne, c’était accepter une forme d’isolement, mais c’était aussi être en phase avec mes désirs et mes aspirations », confie-t-il. Ce lien viscéral avec le monde rural se retrouve dans toute son œuvre, que ce soit à travers ses films ou dans des projets comme *Roseraie*. La rose, avec sa beauté fragile et ses épines, devient alors un symbole de cette quête d’équilibre entre sensualité et rudesse.
Les compositions d’un herbier sensuel
Dans *Roseraie*, les roses de Redouté rencontrent des images homoérotiques, créant un contraste saisissant. Les photographies, parfois explicites, parfois suggérées, viennent enrichir les gravures botaniques, donnant naissance à des tableaux où la sensualité explose. Ce mariage improbable entre nature et érotisme invite le spectateur à poser un regard nouveau sur les fleurs, souvent cantonnées à des symboles de pureté ou de romantisme. Ici, elles deviennent des témoins silencieux mais éloquents des désirs humains.
- Les roses incarnent la dualité : douceur des pétales et piqûre des épines.
- Les photographies homoérotiques ajoutent une dimension charnelle et intime.
- Chaque page devient une invitation à explorer les liens entre nature et sexualité.
Un regard poétique sur l’homoérotisme
Au-delà de l’esthétique, *Roseraie* s’inscrit dans une réflexion plus large sur la représentation de l’homoérotisme dans l’art. En associant ces images à des fleurs, Pierre Creton interpelle sur la place du désir dans la nature et dans l’univers des arts visuels. Il brouille les pistes, refuse les classifications et invite à une lecture plurielle de son œuvre, où chaque spectateur peut projeter sa propre sensibilité.
Un projet en grand, fidèle à son créateur
Pierre Creton n’a jamais eu peur de penser et de créer en grand. Que ce soit dans ses films, comme *7 promenades avec Mark Brown*, ou dans ses ouvrages, il explore des thématiques ambitieuses tout en restant profondément ancré dans son territoire normand. Avec *Roseraie*, il offre une œuvre monumentale, à la fois par son format et par sa portée émotionnelle. C’est une ode à la liberté, à la sensualité et à la beauté, un herbier où chaque page respire l’audace et la singularité.